Il n'est pas loin le temps
où les rues de Beyrouth grouillaient de piétons. Des
piétons qui utilisaient le plus naturellement du monde les
escaliers de la ville. Des marches qui suivent les pentes à la
verticale au lieu de les contourner en lacets. «Accord de la
terre et du pied» écrivait Camus pour décrire la
magie d'une promenade à pied. Avec le retour des beaux jours,
Copains vous propose de découvrir ces sentiers oubliés.
Il n'y a pas d'escaliers dans le
plat pays de Brel et c'est dommage. Mais Beyrouth ondoie comme la
Méditerranée qui la baigne et chevauche maintes collines.
Et chaque colline parle son langage propre d'escaliers. Monumentaux ou
modestes, en belles pierres de taille ou en moellons
récupérés ici et là, en pente douce ou
attaquant de front un talus escarpé, ensoleillés ou
abrités de voûtes moussues, les escaliers sont souvent
recouverts de bougainvilliers, de lierre vivace ou de modestes pots
fleuris. Tous témoignent, qu'ils soient de dix ou de cent
marches, de l'intimité avec les riverains.
Jean-Pierre
et les autres
Jean-Pierre Zahar, étudiant
à l'AUB entre 1987 et 1992, découvre les passages entre
Bliss et la mer, puis ceux de Basta. En 1994, il décide de faire
la traversée de Beyrouth en escaliers. Il rêve de
recréer un «réseau vert» du début du
siècle. À la municipalité, il retrouve de vieux
plans détaillés. Alors, il s'associe à trois
architectes (Jad Tabet, Rafy Kerakachian et Juliana el Khoury) et une
sociologue (Monique Bellan). Ensemble, ils sillonnent les quartiers,
cartographient, filment, localisent et répertorient 130
escaliers. Ils réalisent alors qu'ils ne peuvent pas aller plus
loin sans impliquer les institutions, avoir un soutien politique et des
sponsors. Une plus grande équipe se forme alors avec trois
enseignants de l'ALBA (Rana Haddad, Pierre Boutros-Hajj et Gregory
Buchakjian). Ils découvrent que certains escaliers avaient
été conçus à des fins militaires, d'autres
économiques, reliant un quartier à une usine, une gare
ferroviaire, au port de Beyrouth ou au centre-ville. Les Ottomans
avaient même relié le Sérail de l'Etoile à
Bab Idriss.
Les escaliers Saint Nicolas
«Table rase» coordonne le
projet de réhabilitation des escaliers de St Nicolas. Au projet
participent les mairies de St Etienne et de Beyrouth, l'Ambassade de
France, le ministère de la Culture, l'association de
développement de Gemmayzé, l'école des Beaux-Arts
de St Etienne et l'ALBA.
Et comme tous les ans, une exposition «Daraj el-Fan» aura
lieu sur les marches, du 16 au 22 juin. Le nombre des artistes
participants augmente au fil des ans. Le reste du temps, sur les
marches libres, les fleurs mettent leur nez dehors dès que le
soleil pointe et les chats retrouvent leur coin de bronzette. |