L'Orient le Jour, 24'05'1999
related project: Public Staircases in Beirut, 1997-1998
À la recherche des escaliers perdus
Les escaliers de Gemmayzé croulent sous les bougainvilliers.

Il n'est pas loin le temps où les rues de Beyrouth grouillaient de piétons. Des piétons qui utilisaient le plus naturellement du monde les escaliers de la ville. Des marches qui suivent les pentes à la verticale au lieu de les contourner en lacets. «Accord de la terre et du pied» écrivait Camus pour décrire la magie d'une promenade à pied. Avec le retour des beaux jours, Copains vous propose de découvrir ces sentiers oubliés.

Il n'y a pas d'escaliers dans le plat pays de Brel et c'est dommage. Mais Beyrouth ondoie comme la Méditerranée qui la baigne et chevauche maintes collines. Et chaque colline parle son langage propre d'escaliers. Monumentaux ou modestes, en belles pierres de taille ou en moellons récupérés ici et là, en pente douce ou attaquant de front un talus escarpé, ensoleillés ou abrités de voûtes moussues, les escaliers sont souvent recouverts de bougainvilliers, de lierre vivace ou de modestes pots fleuris. Tous témoignent, qu'ils soient de dix ou de cent marches, de l'intimité avec les riverains.

Jean-Pierre
et les autres

Jean-Pierre Zahar, étudiant à l'AUB entre 1987 et 1992, découvre les passages entre Bliss et la mer, puis ceux de Basta. En 1994, il décide de faire la traversée de Beyrouth en escaliers. Il rêve de recréer un «réseau vert» du début du siècle. À la municipalité, il retrouve de vieux plans détaillés. Alors, il s'associe à trois architectes (Jad Tabet, Rafy Kerakachian et Juliana el Khoury) et une sociologue (Monique Bellan). Ensemble, ils sillonnent les quartiers, cartographient, filment, localisent et répertorient 130 escaliers. Ils réalisent alors qu'ils ne peuvent pas aller plus loin sans impliquer les institutions, avoir un soutien politique et des sponsors. Une plus grande équipe se forme alors avec trois enseignants de l'ALBA (Rana Haddad, Pierre Boutros-Hajj et Gregory Buchakjian). Ils découvrent que certains escaliers avaient été conçus à des fins militaires, d'autres économiques, reliant un quartier à une usine, une gare ferroviaire, au port de Beyrouth ou au centre-ville. Les Ottomans avaient même relié le Sérail de l'Etoile à Bab Idriss.

Les escaliers Saint Nicolas

«Table rase» coordonne le projet de réhabilitation des escaliers de St Nicolas. Au projet participent les mairies de St Etienne et de Beyrouth, l'Ambassade de France, le ministère de la Culture, l'association de développement de Gemmayzé, l'école des Beaux-Arts de St Etienne et l'ALBA.
Et comme tous les ans, une exposition «Daraj el-Fan» aura lieu sur les marches, du 16 au 22 juin. Le nombre des artistes participants augmente au fil des ans. Le reste du temps, sur les marches libres, les fleurs mettent leur nez dehors dès que le soleil pointe et les chats retrouvent leur coin de bronzette.