L'Hebdo Magazine, 26'10'2001
related project: Dialogue des cultures dans un jardin de sourds

Etudiants de l'Alba
Dialogues dans un jardin

Jusqu'au 30 octobre et à l'occasion du Sommet de la francophonie, une exposition présente au CCF le fruit du travail de l'Atelier de recherche de l'Alba.

Les objets qui sont implantés dans la pelouse, les installations extérieures et intérieures, intriguent et attirent. En tout, huit conceptions toutes personnelles et différentes de ce fameux «dialogue des cultures» qui est brandi comme un incontournable de cette année 2001 sur tous les murs de la ville. Les étudiants, encadrés de leurs professeurs, ont émis leurs réflexions sur cette fameuse rhétorique de l'échange alors même que la plupart d'entre eux n'ont jamais senti autant leurs cris refoulés et étranglés. Cela donne des réalisations émouvantes par la profondeur de leur portée, géniales par la simplicité de leurs messages. Devant chacune de ces installations, on s'arrête, on admire, on touche, on s'amuse. Derrière chacune de ces installations, on s'attarde, on réfléchit, on est touché, on comprend.
On comprend toute la portée de cette «Oreille émettrice» posée sur la pelouse interdite comme un défi à tous les interdits. Réalisé et pensé par Walid Tawil, Henri Frangié, Maroun Rached, ce cube orange enserrant une trompe en acier est un objet sonore, un réceptacle à tous les bruits mais incapable d'émettre des sons.
«La bande continue à se dérouler en silence», de Danielle Salmé et Georges Maria, avec plus de 7056 bulles piquées sur la pelouse et mises à la disposition des passants qui peuvent s'en servir à volonté.
«Les bugs», de Walid Tawil, Henri Frangié et Maroun Rached, véritables transpositions des virus informatiques et des araignées, déclenchent des réactions sonores diverses.
«Les boîtes postales vocales», de Roula Akiki, Tania Ghosn et Dana Halwani, écoutent et parlent, reproduisent toutes les voix qui passent.
«Les 25 jours d'un journal francophone», de Chirine Sayegh et Nadim Jamous, pèsent le poids du quotidien dans un véritable laboratoire d'analyse de la presse francophone.
Déborah Farès a réuni des milliers de mains anonymes qui applaudissent à tout rompre dans une chambre obscure sans vraiment arriver à arrêter le mouvement.
Une exposition intéressante à plus d'un titre qui, dans le tourbillon des sons qui s'enchaînent, s'entremêlent, étouffés, étranglés ou reproduits à l'infini, sait vraiment faire parler d'elle. Messages reçus!


«L'atelier de recherche»

Cet atelier, qui allie la réflexion aux travaux d'équipe, les diverses disciplines à une volonté palpable de sortir du chemin établi, a été fondé en 1997 par trois enseignants de l'Alba désireux de faire découvrir leur ville par des étudiants en mal d'histoire. De petites histoires en vérité, de celles qui créent des liens, qui permettent de comprendre la capitale, de vivre Beyrouth, d'aimer cette ville asphyxiée. Rana Haddad, architecte, Pierre Hage-Boutros, architecte d'intérieur, et Gregory Buchakjian, historien de l'art, ont uni leurs talents, donné de leur temps, su communiquer leur passion à de jeunes étudiants de l'Alba dans toutes les branches. Derrière «l'Atelier de recherche», se cache un véritable échange, une incroyable synergie, une frénétique volonté de partager le quotidien d'une capitale avec une multitude d'idées pour mettre en valeur des réflexions, des idées, des cris et des douleurs qui tournent autour d'une même thématique. L'aventure a commencé au CCF, avec une installation intitulée «l'Alba marque l'espace du CCF», en 1997. Puis une exposition qui n'a duré que l'espace de 24 heures, bâtie autour d'initiatives personnelles des étudiants autour de l'idée «Beyrouth, seconde peau». En 2000, c'est dans le cadre de SIMEA que les étudiants réuniront leurs travaux issus de leurs recherches autour de l'immeuble Barakat, rue de Damas. Puis c'est le festival Shams, avec devant le théâtre de Beyrouth dans le quartier d'Aïn el-Mreissé, qui est à lui seul un carrefour de légendes, un siège de théâtre agonisant durant près d'un mois sous l'œil triste ou amusé des spectateurs. Encore une façon de réagir à la ville, à ce qui s'y passe, s'y murmure ou s'y cache, autant de cris artistiques mille fois préférables au silence.