Etudiants de l'Alba
Dialogues dans un jardin
Jusqu'au 30
octobre et à l'occasion du Sommet de la francophonie, une
exposition présente au CCF le fruit du travail de l'Atelier de
recherche de l'Alba.
Les objets qui sont
implantés dans la pelouse, les installations extérieures
et intérieures, intriguent et attirent. En tout, huit
conceptions toutes personnelles et différentes de ce fameux
«dialogue des cultures» qui est brandi comme un
incontournable de cette année 2001 sur tous les murs de la
ville. Les étudiants, encadrés de leurs professeurs, ont
émis leurs réflexions sur cette fameuse rhétorique
de l'échange alors même que la plupart d'entre eux n'ont
jamais senti autant leurs cris refoulés et
étranglés. Cela donne des réalisations
émouvantes par la profondeur de leur portée,
géniales par la simplicité de leurs messages. Devant
chacune de ces installations, on s'arrête, on admire, on touche,
on s'amuse. Derrière chacune de ces installations, on s'attarde,
on réfléchit, on est touché, on comprend.
On comprend toute la portée de cette «Oreille
émettrice» posée sur la pelouse interdite comme un
défi à tous les interdits. Réalisé et
pensé par Walid Tawil, Henri Frangié, Maroun Rached, ce
cube orange enserrant une trompe en acier est un objet sonore, un
réceptacle à tous les bruits mais incapable
d'émettre des sons.
«La bande continue à se dérouler en silence»,
de Danielle Salmé et Georges Maria, avec plus de 7056 bulles
piquées sur la pelouse et mises à la disposition des
passants qui peuvent s'en servir à volonté.
«Les bugs», de Walid Tawil, Henri Frangié et Maroun
Rached, véritables transpositions des virus informatiques et des
araignées, déclenchent des réactions sonores
diverses.
«Les boîtes postales vocales», de Roula Akiki, Tania
Ghosn et Dana Halwani, écoutent et parlent, reproduisent toutes
les voix qui passent.
«Les 25 jours d'un journal francophone», de Chirine Sayegh
et Nadim Jamous, pèsent le poids du quotidien dans un
véritable laboratoire d'analyse de la presse francophone.
Déborah Farès a réuni des milliers de mains
anonymes qui applaudissent à tout rompre dans une chambre
obscure sans vraiment arriver à arrêter le mouvement.
Une exposition intéressante à plus d'un titre qui, dans
le tourbillon des sons qui s'enchaînent, s'entremêlent,
étouffés, étranglés ou reproduits à
l'infini, sait vraiment faire parler d'elle. Messages reçus!
«L'atelier
de recherche»
Cet atelier, qui
allie la réflexion aux travaux d'équipe, les diverses
disciplines à une volonté palpable de sortir du chemin
établi, a été fondé en 1997 par trois
enseignants de l'Alba désireux de faire découvrir leur
ville par des étudiants en mal d'histoire. De petites histoires
en vérité, de celles qui créent des liens, qui
permettent de comprendre la capitale, de vivre Beyrouth, d'aimer cette
ville asphyxiée. Rana Haddad, architecte, Pierre Hage-Boutros,
architecte d'intérieur, et Gregory Buchakjian, historien de
l'art, ont uni leurs talents, donné de leur temps, su
communiquer leur passion à de jeunes étudiants de l'Alba
dans toutes les branches. Derrière «l'Atelier de
recherche», se cache un véritable échange, une
incroyable synergie, une frénétique volonté de
partager le quotidien d'une capitale avec une multitude d'idées
pour mettre en valeur des réflexions, des idées, des cris
et des douleurs qui tournent autour d'une même thématique.
L'aventure a commencé au CCF, avec une installation
intitulée «l'Alba marque l'espace du CCF», en 1997.
Puis une exposition qui n'a duré que l'espace de 24 heures,
bâtie autour d'initiatives personnelles des étudiants
autour de l'idée «Beyrouth, seconde peau». En 2000,
c'est dans le cadre de SIMEA que les étudiants réuniront
leurs travaux issus de leurs recherches autour de l'immeuble Barakat,
rue de Damas. Puis c'est le festival Shams, avec devant le
théâtre de Beyrouth dans le quartier d'Aïn
el-Mreissé, qui est à lui seul un carrefour de
légendes, un siège de théâtre agonisant
durant près d'un mois sous l'œil triste ou amusé des
spectateurs. Encore une façon de réagir à la
ville, à ce qui s'y passe, s'y murmure ou s'y cache, autant de
cris artistiques mille fois préférables au silence.
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