Pour
la troisième année consécutive, en collaboration
avec l’Institut français d’architecture (IFA), l’Association
pour la protection des sites et anciennes demeures au Liban (APSAD) et
l’Alliance internationale des Libanais pour l’éducation et la
solidarité ( AILES), Patrimoine sans frontières investit
le village de Salima. Il faut dire que la réussite de l’Atelier
2002 a ouvert la voie à de nombreuses propositions, tant de la
part des associations partenaires que des architectes et des habitants,
donnant naissance au festival SEIL (Salima entre invention et
liberté). Il se déroule du 18 au 31 août et
s’articule autour de la rénovation des fontaines du village.
Car au-delà de la programmation d’événements
culturels (musique, cinéma, ateliers pédagogiques, etc.),
«l’objectif de ce festival est de mettre en valeur les atouts et
qualités du village – son environnement bâti et naturel –
en suscitant un tourisme vert, facteur de développement
économique. Notre but est d’aider à reconstruire et
à redynamiser une région, tout en préservant le
patrimoine architectural et environnemental», affirme Mme
Béatrice de Durfort, présidente de Patrimoine sans
frontières (PSF).
Rappelons que l’atelier d’architecture de l’édition 2002 a
permis de répertorier les ressources humaines et les richesses
patrimoniales de Salima dont le sérail et la place d’armes
(midan) datant du XVIe siècle, sept églises, deux
sanctuaires druzes, plusieurs magnaneries du XIXe siècle et des
dizaines de demeures anciennes. Mais aussi, un réseau de
fontaines, méritant réhabilitation et valorisation,
autour desquelles les architectes Habib Debs et Bernard Khoury,
l’Atelier de recherches de l’Alba et Table rase ont
réinventé un espace public. Leurs projets seront
réalisés avec l’aide des 30 étudiants en
architecture venus des écoles françaises et libanaises
(Lille, Marseille, Versailles, Paris-La Villette, Paris Belleville,
Alba, Deir el-Kamar et Tripoli). L’opération est financée
par le PSF. Les fontaines rénovées seront
inaugurées le samedi 30 août et constitueront «un
lieu d’échanges entre les différentes
communautés», a souligné Mme Durfort, ajoutant que
l’objectif de son organisme est de «convertir un patrimoine
à charge, témoin des déchirures communautaires, en
un bien commun (...), de favoriser la reconstruction d’une
identité commune, grâce à la réappropriation
par la population d’un lieu de rencontre à forte charge
symbolique».
Traditionnellement habité par deux communautés (druze et
chrétienne), ce village est l’un des premiers à avoir
subi des destructions importantes, lors du déclenchement de la
guerre dans la montagne. Il est également l’un des derniers
à attendre encore le retour d’une partie importante de sa
population. Ce retard lui a néanmoins permis d’échapper
à la reconstruction massive et anarchique qui a
défiguré nombre de villages à caractère
historique dans le Mont-Liban.
L’état de conservation des lieux et la qualité de son
paysage architectural ont été jugés «assez
exceptionnels» pour susciter un projet de préservation
novateur. L’APSAD et une équipe d’architectes et d’enseignants
libanais ainsi que les associations françaises Patrimoine sans
frontières et l’IFA collaborent étroitement depuis trois
ans, dans le cadre d’une réflexion sur la protection du site.
Pour un rappel des faits, c’est suite à un appel lancé
par l’APSAD que Patrimoine sans frontières a effectué, en
2001, ses premières missions de repérage et de
diagnostic. L’engagement des ministères de la Culture et des
Déplacés dans un processus innovant et qualitatif a
achevé de convaincre l’organisme international de s’engager et
de soutenir les démarches initiées en vue de la
préservation de ce village du Metn. Pendant ce temps, l’APSAD
s’instaure maître d’ordre à Salima, contribuant
techniquement et financièrement à la mise en place d’un
plan directeur de reconstruction qui sera adopté par la
Direction générale de l’urbanisme. L’association dresse
également l’inventaire des bâtisses anciennes dont plus de
80 seront estampillées «bâtiment à
caractère historique» par le ministère de la
Culture. De même, une procédure de suivi des permis de
construire est mise au point avec le ministère des Travaux
publics et la Direction générale de l’urbanisme. Dans une
action visant à aider l’habitant, l’APSAD établit un
partenariat avec 14 compagnies libanaises spécialisées
dans la vente de matériaux de construction (béton,
pierres, sanitaires, peintures, etc.). Elles accordent le
matériel nécessaire à la restauration au prix de
revient ou à un prix réduit.
M. Assem Salam, président de l’APSAD, considère que le
projet, impliquant les pouvoirs publics et mobilisant citoyens,
entreprises privées et ONG, mise sur «l’exemplarité
d’une action expérimentale, dont la réussite pourra
déboucher sur la mise en place de véritables outils
opérationnels, permettant d’élargir le champ de
sauvegarde du patrimoine culturel, social et architectural, à
d’autres secteurs géographiques du Liban». En effet, le
projet suscite un intérêt grandissant chez les habitants
d’autres villages – principalement Abey et Mtein – qui tentent de
développer la même démarche dans leur commune.
La participation, par ailleurs, de l’Alliance internationale des
Libanais pour l’éducation et la solidarité (AILES), au
festival SEIL, «permet d’introduire la notion du patrimoine dans
son activité éducative et culturelle (...).
Protéger notre mémoire pour nous projeter dans un avenir
pacifié et harmonieux: c’est ainsi que nous concevons
l’évolution de notre société et à cette
fin, nous œuvrerons passionnément sans relâche»,
déclare M. Rami Adwan, président d’AILES, qui a pris en
charge, pour la seconde année consécutive, l’animation de
l’espace public, proposant bibliobus, jeux, lectures, cours de
français et, en collaboration avec l’association MILL, des
ateliers de «Musique improvisée libre»... Diffusant
en sourdine une vision de Salima et de multiples alternatives à
son développement et à sa préservation.
Photo,
vidéo et site Internet
Une exposition de photos sur Salima est prévue à
l’Institut national du patrimoine, à Paris. De même, des
reportages vidéo, portant sur l’ensemble des manifestations du
festival SEIL (format de 13’ ou 26’) seront réalisés par
Michel Tabet et Olivier Koches (vidéastes journalistes).
Des reportages photographiques relatant divers aspects de la vie
quotidienne au village (pratiques sociales, vie religieuse, cadre
architectural et patrimonial) seront signés René-Paul
Savignan et Prune Brenguier (photographes-vidéastes). Toutes ces
images constitueront un documentaire complet au terme de
l’opération, en 2007. La matière produite donnera lieu
à la création d’un site Internet- Salima.
Cinéma et musique
Pour faire revivre tous les espaces du village et réinvestir un
patrimoine commun à tous, Beirut DC (association qui cherche
à produire, à promouvoir et à distribuer des films
non commerciaux et à organiser des ateliers de formation) et
«..né. à Beyrouth» (association travaillant
à la promotion et à la diffusion du cinéma
contemporain libanais) présenteront, sous le thème
«Le cinéma libanais d’aujourd’hui», des projections
de courts, moyens et longs métrages, suivies de
rencontres/débats avec les réalisateurs et les acteurs.
Parallèllement, l’association libanaise dédiée
à la recherche, la création et le développement de
la musique improvisée libre au Liban (MILL) organise dans la
forêt du village, le vendredi 22 août, un concert (en
soirée) et un atelier d’initiation pour enfants et adultes
(à 14 heures).
Conférences
Plusieurs conférences seront données dans le cadre du
festival SEIL, à Salima.
Aujourd’hui mercredi 20 août, à 10 h:
«Complexité et échelles des espaces publics au
Liban» par Michaël Davie, géographe, chercheur,
enseignant à l’université de Tours.
Jeudi 21 août, de 10 à 12h30: « Analyse typologique
et morphologique du bâti dans les villages de montagne libanaise
» avec Habib Debs, architecte-urbaniste, enseignant à
l’AUB et à l’Alba. La parole sera ensuite donnée à
Pierre Hage-Boutros, Rana Haddad et Grégory Buchakjian, membres
de l’Atelier de recherches de l’Alba, qui débattront sur les
«Points d’eau: dispersion des fontaines, proximités
imprévisibles qu’elles peuvent révéler,
récits qui les portent, singularité de leur quotidien.
Comment, à la fois, s’approprier une fontaine et la mettre en
commun?»
Vendredi 22 août, à 10h : conférence/débat
avec Bernard Khoury, architecte, professeur à l’AUB.
Lundi 25 août, de 10h à12h30 : «Matières
d’identité» par Georges Arbid, architecte et historien de
l’architecture, enseignant à l’Alba et à l’ AUB .
Mardi 26 août, à 10h: place à «L’eau et
l’enfant» avec Yasmina Skaff (cofondatrice de Table rase) et
Sophie Skaf (architecte, cofondatrice de Table rase).
Mercredi 27 août, toujours à 10h: Mathieu Lucas,
étudiant de fin de diplôme de l’École
d’architecture de Lille, racontera «Les magnaneries de la
région de Salima».
Alerte au patrimoine mondial
L’association Patrimoine sans frontières, présidée
par Mme Béatrice de Durfort, a été
créée en 1992. Avec le soutien du ministère de la
Culture, elle mène des opérations d’alerte, de
préservation et de sensibilisation en direction du patrimoine
culturel international, dans des situations de danger ou de disparition
imminente. Les actions de Patrimoine sans frontières constituent
des réponses apportées à des demandes issues des
populations locales concernées.
L’association dirige ses efforts vers les oubliés du patrimoine
quels qu’ils soient: sites, ensembles, bâtiments, objets,
savoir-faire, etc. Dont la portée symbolique et affective
constitue un élément essentiel pour que se transmette la
mémoire des peuples.
Structure légère et indépendante, le
fonctionnement de PSF repose sur l’établissement d’un
réseau multidisciplinaire de professionnels en France et
à l’étranger, et sur l’établissement de
partenariats avec des organismes publics et privés.
May
MAKAREM
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