L'Orient le Jour, 08'08'2012
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Le savoir artistique libanais s’affiche à la villa Empain à Bruxelles

Par Colette KHALAF | 08/08/2012



ÉVÉNEMENT La Fondation Boghossian propose à la villa Empain (Bruxelles) « Art is the answer ! ». Une exposition collective témoignant de la vitalité de la scène artistique libanaise actuelle, qui se déroule jusqu’à la fin du mois de septembre.

Indépendamment de ses actions humanitaires menées depuis 1998 en Arménie et au Liban, la Fondation Boghossian contribue depuis quelques années au dialogue entre les cultures d’Orient et d’Occident. Quoi de mieux que le langage artistique pour établir cette passerelle ? La fondation a ainsi installé son siège à la villa Empain, à Bruxelles, où elle propose des concerts, des conférences, des rencontres internationales et des expositions qui encouragent ce dialogue. Un détour du côté de ce joyau de l’architecture art déco bruxelloise n’est pas à dédaigner car après sa complète restauration, ce magnifique édifice a ouvert ses portes au public en avril 2010.
Parallèlement donc au lancement du prix annuel décerné à de jeunes créateurs libanais par la fondation, « Art is the answer », organisée en collaboration avec Solidere, reflète le visage artistique actuel du Liban.

Depuis sa « renaissance » culturelle et artistique – la première étant dans les années 60 – et après tous les événements difficiles et ravageurs qu’il a traversés, le pays du Cèdre a toujours affirmé ses singularités. Dans le catalogue de l’exposition, Jean Boghossian cite Wajdi Moawad qui comparera les artistes à la « persévérance des lucioles », ces petites lumières qui continuent à briller dans l’ombre. Pour sa part, Gregory Buchakjian, historien de l’art, évoquera également dans sa préface ce terreau d’art, cette terre que Nadia Tuéni qualifiait de « pays-feu qu’on éteignait à coups de pelles ».
Entre un Occident curieux de nouvelles cultures mais craintif du terrorisme envahissant et un Orient qui se lance dans une surenchère de foires, de biennales artistiques et de nouveaux musées, le Liban a su s’imposer. Même les trente-trois jours de guerre en 2006 auront représenté un foisonnement de créativité, une occasion pour les artistes de s’exprimer en dessins, peintures, textes ou films.

L’art, une réponse
« Art is the answer ! » est une sélection non exhaustive de la scène libanaise.
Avant la villa Empain, l’œuvre « Arabes » de Ziad Abillama, qui avait été exposée à la Biennale de Venise en 2011, est faite de questionnements et d’interrogations. À travers ses images (photos ou vidéos), Ziad Antar porte lui aussi un regard critique sur sa double culture orientale et occidentale. Puissance évocatrice tant dans les installations que dans les toiles qui font de Aymane Baalbacki un des talents les plus prometteurs du monde arabe contemporain. Quant à son frère Mohammad-Saïd Baalbacki, il a su repousser les limites de l’art dans un postmodernisme inédit. Burak, son musée fictif de sciences, en témoigne.
Les photos de l’artiste indépendante Chaza Charafeddine s’inspirent des miniatures mogholes et persanes et aussi des images produites en Iran, Inde, Afghanistan... dans les années 40. Zeina el-Khalil, elle, est une activiste à sa façon. Culture bubble-gum et différents supports exprimant la violence, l’identité sexuelle et les religions sont sa marque de fabrique.
Les photographies en noir et blanc de Fouad el-Khoury, loin du simple documentaire, révèlent un monde sensible aux hommes et à leurs destins. Najla el-Zein, elle, s’est fait connaître par ses nuages vaporeux. À l’heure actuelle à la villa Empain, elle a installé sa propre « Douche ».
Aquarelles et encres sur papier, d’une part, pour Hiba Kalache qui sonde des mondes parallèles, et série de photos à travers la pluie de l’autre pour Karen Kalou. Quant à Nadim Karam, il tente, dans son projet « The Cloud », de repenser l’espace public en tenant compte des potentialités du développement économique. Une maquette et des dessins préparatoires sont exposés, témoignant d’une interaction quotidienne entre culture et urbanité.
Pour Abdulrahman Katanani, jeune Palestinien né dans les camps, rien de mieux que l’art pour transcender les milieux hostiles. C’est à travers l’univers poétique de l’enfant que l’artiste recrée le rêve.
Le monde transparent de Taline Kechichian est fait d’ombres et de lumière. Dans la légèreté du plexiglas, l’essentiel est exprimé.
Enfin, Alfred Tarazi, membre de l’atelier Hapsitus et instigateur de « The Feel Collective », propose un projet de mémorial fondé sur une démarche de réconciliation libanaise.
La réussite est aussi spectaculaire dans le milieu du design qui ne pouvait pas ne pas être représenté. Meubles futuristes de Wyssem et Cécile Nochi, incrustations de motifs en arabesque de Nada Debs ; fauteuils à bascule de Karim Chaya ; tables sculpturales de Karen Chekerdjian, parures de Ranya Sarakbi sans oublier la mode vestimentaire revisitée avec audace et raffinement par Milia Maroun.
Par ailleurs, en guise de bienvenue aux artistes libanais invités, le photographe français résidant à Bruxelles, Franck Christen, a choisi de présenter deux de ses œuvres à la villa Empain : Cèdres, Bcharré, 2002 (courtesy Galerie Kettaneh Kunigk, Beyrouth).
Après Bruxelles, l’exposition sera présentée, au début de l’année 2013, au Beyrouth Exhibition Center.