Depuis la fin de la
guerre civile terminée
officiellement le 13 octobre 1990,
le Liban s'est reconstruit
matériellement, enterrant son
passé proche et se projetant de
manière vertigineuse vers
l'avenir. L'humain n'a pas été
reconstruit, pansé, écouté. Il
s'est exilé ou est resté là
souvent refermé sur sa communauté.
Beyrouth a changé de visage et a
connu comme beaucoup d'autres
villes dans le monde
gentrification et négligence du
patrimoine architectural
traditionnel. Le centre-ville qui
occupait une fonction de centre
avant 1975 en rassemblant toutes
les couches de la société s'est
transformé en lieu aseptisé
accessible uniquement à ceux qui
en ont les moyens.
L'Histoire récente n'a pas été
enseignée à la jeunesse car elle
n'a pas été écrite. Les livres
d'Histoire du Liban exploités dans
les collèges et les lycées privés
et publics s'arrêtent avec
l'indépendance du Liban en 1943. À
croire que depuis qu'il est
reconnu officiellement en tant que
pays ce territoire n'a plus
d'Histoire commune.
La rencontre avec les carnets et
lettres de Victoria a été le
moyen, le chemin pour ouvrir une
brèche vers un pan de l'Histoire
locale et régionale, de réparer
une forme de déni historique et de
revisiter aussi le parcours qui
m'a menée jusqu'à elle ou qui l'a
menée jusqu'à moi.
J'ai construit cet écrit comme une
fouille archéologique qui dévoile
petit à petit ou donne d'abord des
morceaux, des fragments qui
s'assemblent et fondent les uns
dans les autres au fur et à
mesure. S'il dessine en filigrane
les conflits qui ont secoué le
pays et la région, il raconte
surtout une femme à la recherche
de repères humains et
géographiques qui va à la
rencontre d'une autre femme. Il se
base sur une documentation réelle
et questionne ce qui fait la
réalité et ce qui fait la fiction.
Valérie Cachard
Ce texte a reçu le prix RFI Théâtre
2019. Il s'inscrit dans un projet
multidisciplinaire mené en
collaboration avec Gregory
Buchakjian