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L'Orient
Le Jour, 14'12'2006
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related project: Halte |
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AUTEURS EN DIRECT - Un Café
littéraire animé par Gérard Meudal
Le Liban
dans les écrits d’Oliver Rohe, de Grégory Buchakjian et
de Charif Majdalani
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Animé
par Gérard Meudal (journaliste, collaborateur au «Monde
des livres» et grand habitué du Salon du livre de
Beyrouth), un Café littéraire a réuni, au
Café des lettres (de la Mission culturelle française),
Oliver Rohe, Grégory Buchakjian et Charif Majdalani.
Le point commun entre ces trois auteurs? A priori aucun, mis à
part que leurs trois livres parlent de Beyrouth.
Une évocation directe et sereine chez Charif Majdalani, dont le
premier roman, Histoire de la grande maison (éd. du Seuil),
retrace, à travers une saga familiale, «l’histoire de la
vie quotidienne et notamment la lente occidentalisation du pays du
Cèdre au siècle dernier». Ou, au contraire, une
transcription passionnelle et tourmentée de souvenirs de
tranches de vie libanaise pour les deux autres. Car si Grégory
Buchakjian, professeur d’histoire de l’art à l’ALBA, vit au
Liban, son livre Halte (éd. Labor et Fides) narre une
mésaventure anecdotique qui lui est arrivée à
Alexandrie. Un «récit de voyage» encadré d’un
prologue et d’un épilogue qui se passent à Beyrouth,
à vingt ans d’intervalle. Tandis que Oliver Rohe, bien que
Français, a lui vécu au Liban ses quinze premières
années. Né à Beyrouth, en 1972, ce jeune
écrivain parisien avoue avoir « un rapport ambivalent avec
le Liban: un mélange de haine absolue et d’attachement
indécrottable».
Souvenirs de guerre
à Beyrouth
«J’ai mis énormément de temps à pardonner
à ce pays les quinze ans de vie – sous les bombardements et dans
les abris – qu’il m’a retirés», a-t-il
déclaré sans ambages à son auditoire beyrouthin.
Un ressentiment qui a donné naissance à un livre, Terrain
vague (éd. Allia), qui met en scène un ancien milicien,
dans une ville qui se reconstruit. Une ville dont l’auteur a
gommé les références pouvant montrer qu’il s’agit
de Beyrouth, jusqu’aux toutes dernières pages, ce qui a fait
dire à Gérard Meudal que l’«on pourrait imaginer
que Terrain vague est un livre sur toutes les zones de conflits».
En en lisant certains passages, on pourrait aussi ajouter que c’est un
texte d’une actualité brûlante! (voir l’encadré
ci-dessous). À plus d’un titre d’ailleurs. Car, à
l’instar du très récompensé Bienveillantes de
Jonathan Littell, c’est aussi un livre qui donne la parole – mais de
façon beaucoup plus condensée – à un bourreau.
«J’ai voulu décrire la structure mentale de quelqu’un qui
vit uniquement sous le régime de la perte, de la fuite»,
explique Rohe, qui semble être l’un des rares jeunes
écrivains français à préférer
à l’autofiction un engagement «sartrien» dans
l’écriture. Un engagement qui se révèle encore
plus profondément dans le livre auquel il s’attelle et qui
s’articule autour de l’histoire de Khaled el-Masri, le Libano-Allemand,
kidnappé par les services secrets américains qui l’ont
confondu avec son homonyme du réseau el-Qaëda et
jeté dans une geôle en Afghanistan.
Fondateur, avec François Bégaudeau et Bruce
Bégout, de l’élégante revue littéraire et
philosophique Inculte, qui réédite notamment les textes
de Bataille ou Deleuze, Oliver Rohe estime, en effet, que «la
littérature doit intervenir sur tous les domaines de la
réalité: la politique, comme l’architecture, la musique
ou la philosophie».
Comment les mythes se forgent
Une opinion partagée par Charif Majdalani qui, s’il
s’intéresse, «depuis l’âge de 15 ans»,
à l’histoire du pays, notamment à travers celle de sa
famille, abordera dans son prochain livre un sujet profondément
ancré dans la réalité libanaise, à savoir
l’émigration: «Le roman de quelqu’un qui part et qui
revient.»
Revenant sur son Histoire de la grande maison, Majdalani, qui a
confessé avoir «comblé les trous historiques»
en construisant des scénarios embellis de ce qu’a pu être
la réalité, a indiqué avoir par ce fait voulu
«montrer comment les mythes se forgeaient».
Une aventure «kafkaienne»
Fiction ou réalité? La question peut se poser au sujet de
la «kafkaienne» aventure de Grégory Buchakjian en
Égypte. L’auteur soutient néanmoins que son récit
est absolument authentique. Cette narration humoristique d’un bref
séjour en prison, pour avoir «commis le crime de croquer
la façade du consulat français d’Alexandrie», a
aussi fait rejaillir le souvenir chez Buchakjian – qui, soit dit en
passant, est devenu écrivain par hasard, justement à
cause de cet incident qu’il a voulu retranscrire – d’un terrible
épisode de guerre vécu en 1985, lorsqu’un milicien lui a
brandi un revolver sur la tempe. Un épisode – narré en
prologue – qui fait écho, dans sa mémoire, avec celui de
l’assassinat de Hariri, qui a eu lieu deux jours à peine
après son retour de voyage et qu’il a inséré en
conclusion de son livre. Un épilogue qui, pour n’avoir aucun
lien direct avec son récit, l’inscrit cependant dans le registre
de l’écriture engagée en mettant l’accent sur
«l’instabilité du monde dans lequel nous vivons»,
ont signalé les intervenants.
Lesquels ont également débattu des valeurs respectives de
la littérature sur Internet (via les blogs) et de la
littérature publiée, des récits de voyages et des
romans, des nouvelles formes d’écritures et des styles...
Zéna ZALZAL
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