Suite à la guerre qui a dévasté le Liban en été 2006, les tensions politiques et sociales dans le pays attinrent un seuil explosif. La vie de nuit devint un refuge pour échapper à une angoissante réalité. La scène underground émergea, plus féroce que jamais. Armé d’un Leica compact numérique, je rejoignais ces lieux hétéroclites où la jeunesse la plus excessive, la plus désespérée, peut-être, se laissait aller, capturant des moments d’intimité et d’érotisme, des scènes de danses et la consommation de produits illicites. Étant un participant à ces bacchanales et non un photographe externe, personnes ne manifestait d’objection à être photographié.

En 2008, une sélection d’images fut réunie dans le cadre de l’exposition Nighthawks, dont le titre faisait référence à la peinture d’Edward Hopper. Au vernissage, plusieurs jetseteurs furent surpris par leurs propres images, ne les trouvant pas assez glamour ou osées : l’ambiance était mélancolique. Visitant Beyrouth un an plus tard, la rédactrice en chef adjointe de Beaux-Arts Magazine, Anne Picq, a vu en ces clichés des « photographies de guerre ». En 2011, lorsque les commissaires du festival de Noorderlicht réalisèrent la sélection de Metropolis: City Life at the Urban Age, ils inclurent Nighthawks dans le chapitre « Deficient », décrit comme « une ville hostile, où les problèmes générés par l’homme rendent la ville plus difficile » et « où le rêve est devenu cauchemar ».

A posteriori, Nighthawks documente un moment particulier dans l’histoire de la vie de nuit au Liban et intervient à une période fluctuante de l’histoire de la photographie, après le développement du numérique mais avant la généralisation des réseaux sociaux, des smartphones et des selfies.